Theory and History of Ontology (ontology.co)by Raul Corazzon | e-mail: rc@ontology.co

Bibliographie des études en Français sur Parménide (Mal - Z)

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Heraclitus and Parmenides

Bibliographie Mal - Z

  1. Mallan, Claude. 2007. "De Parménide à Platon, quelques remarques sur le σύμβολον." Conaissance Hellénique no. 111:14-17.

  2. Mansfeld, Jaap. 1999. "Parménide et Héraclite avaient-ils une théorie de la perception ?" Phronesis.A Journal for Ancient Philosophy no. 44:326-346.

    ;"Dans un article paru en 1996, auquel le présent essai fait suite, nous avons analysé la thèse aristotélicienne selon laquelle les philosophes pré-platoniciens ne faisaient pas de distinction entre perception et pensée.(1)" (p. 326)

    (...)

    "Á la fin de cette discussion nous nous trouvons donc face à face avec un paradoxe qui vaut la peine d'être ébauché. Les deux grands philosophes présocratiques qui ont établi, ou du moins cherché à établir, une doctrine du logos (le «raisonnement» de Parménide, l'«explication» d'Héraclite), n'ont pas développé une doctrine de la perception sensorielle. Les philosophes présocratiques qui se sont efforcés de fournir des descriptions des différents sens, et des mécanismes et conditions de la perception sensorielle,(69) c'est-à-dire Empédocle, Anaxagore, Diogène d'Apollonie, et surtout Démocrite, chez qui la distinction entre sensation et pensée est de surcroît explicite dans des fragments cités littéralment non seulement par Sextus mais aussi par Galien,(70) n'ont pas cherché à développer une doctrine du raisonnement, ou de l'explication.(71)

    Aristote, qui prétendait que la doctrine du percevoir-et-savoir des anciens physiciens était une voie sans issue, et trouvait que la doctrine du «raisonnement» a priori de Parménide s'était éloignée de la physique

    et pour cette raison ne lui était pas applicable, s'était donc bien rendu compte de quelques-uns des problèmes fructueux que ces doctrines comportent." (pp. 345-346)

    (1) «Aristote et la structure du De sensibus de Théophraste», Phronesis 41, 1996, p. 158 sqq. (basé sur la première partie d'une conférence tenue à Paris le 7 avril 1995). Il s'agit surtout d'Aristote, Métaphysique 4.5.1009b12 sqq., De l'âme 1.2.404a25 sqq., 3.427a16 sqq.; cf. aussi infra, notre note 4. Remarquons que le commentateur tardif du , Jean Philopon, n'é tait pas d'accord avec ce qu'il appelle les inférences d'Aristote (In De an . p. 71.22 sqq. Hayduck).

    (69) Voir, une fois de plus, l'article cité plus haut, à la note 1.

    (70) Ce qui constitue une différence majeure avec la majorité des autres Présocratiques dicutés ici; Sextus, dans le septième livre de son grand ouvrage cité plusieures fois plus haut, n'a pas besoin d'une interpré tation pour établir que Démocrite faisait cette distinction capitale. Les fragments en cause sont 68B9-10 (Sextus, deux fragments), B125 (Galien; deux fragments, dont le premier coîncide avec le premier texte cité par Sextus). Cet aspect de la doctrine de Démocrite manque dans le De sensibus de Théophraste; faute bizarre, ou défaut d'information?

    (71) Il est vrai que nous sommes mal renseignés sur la production énorme de Démocrite.

  3. Mansion, Suzanne. 1953. "Aristote, critique des Eléates." Revue Philosophique de Louvain no. 51:165-186.

    ;"L'étude qu'on se propose de faire ici se limitera pour l'essentiel à la critique aristotélicienne de la thèse centrale des Eléates: le monisme. On négligera notamment les aspects « physiques » de la doctrine (inexistence du vide, limitation ou illimitation du Tout, etc.), et ses aspects mathématiques (arguments de Zenon pour prouver l'impossibilité du mouvement, p. ex.), ainsi que les objections qu'Aristote adresse à ces conceptions. Ce sont donc les positions métaphysiques et épistémologiques de l'école d'Elée qui retiendront surtout notre attention. C'est en elles, du reste, tout insuffisantes qu'elles soient, que réside le principal intérêt philosophique de la pensée éléatique. D'un autre côté, les attaques qu'elles subissent de la part du Stagirite s'appuient sur un certain nombre de principes qui paraissent assez fondamentaux dans son système et originaux dans une large mesure. C'est pourquoi la réflexion théorique a intérêt à voir s'affronter ces deux philosophies à propos d'un problème qu'elle rencontre inévitablement." (p. 165)

  4. Martineau, Emmanuel. 1986. "Le 'coeur' de l' alétheia ." Revue de Philosophie Ancienne no. 4:33-86.

    ;". . .άληθηίης εύκυκλέος άτρεμές ήτορ

    Ainsi se présente, dans le poème de Parménide, la pre mière nomination de Yalètheia. Que cette nomination pré cède, au fr. 1, celle de l'être lui-même, qui ne surgira qu'au fr. 2, nous considérons ce fait immédiatement constatable comme un signe univoque de l'absolue primauté, dans la pro blématique parménidienne, de la question de la "vérité" sur toute autre, y compris la question même de la distinction de l'"être" et du "non-être". Non moins absolue, dès lors, est la nécessité de comprendre correctement le vers cité (1,29). Aussi, c'est seulement après en avoir fait progresser l'exé gèse (A) que nous esquisserons les quelques principes de la nouvelle interprétation d'ensemble qui constitue la perspec tive de cette étude (B)" (p. 33)

  5. Monnoyer, Jean-Maurice. 2014. "Le dogme de la vérité selon Parménide." In Mind, Values, and Metaphysics. Philosophical Essays in Honor of Kevin Mulligan – Volume 1 edited by Reboul, Anne, 459-470. Dordrecht: Springer.

    ;Résumé: "Peut-on continuer d’opposer l’approche phénoménologique et métaphysique? Parmenide, fondateur de la métaphysique, s’adresse dans son texte à l’évidence de la thisness (à la caractéristique du ceci): le to gar auto . Son emploi double de la copule est , emploi existentiel et prédicationnel, a provoqué une discussion légendaire sur son actualisme et son nécessitarisme supposés, qui ont été forgés en dépit de la compréhension de ses énoncés. L’article se propose de comparer les lectures de C.Kahn, D. O’Brien, J. Barnes et J. Bollack, pour fournir une lecture non archéologique de cette conception trahie depuis Le Sophiste de Platon au moins, mais qui reste le modèle de ce que devrait être une métaphysique expérimentale."

  6. Morel, Jean-Paul. 2005. "« Oulis » à Velia: l'hypothèse phocéenne." In Da Elea a Samo: filosofi e politici di fronte all'impero ateniese: atti del Convegno di Studi: Santa Maria Capua Vetere, 4-5 giugno 2003 , edited by Bregia, Luisa and Luoi, Marcello, 31-47. Napoli: Arte Tipografica.

  7. Mouraviev, Serge. 2012. "Parmenide chez Perséphone." In Λόγον διδόναι. La filosofia come esercizio del render ragione. Studi in onore di Giovanni Casertano , edited by Palumbo, Lidia, 139-158. Loffredo: Napoli.

    ;"Le texte de Laura Gemelli Marciano (LGM) est un travail remarquable et immensément ambitieux(2). C’est une tentative de «refocaliser » toute la tradition parménidienne (de Platon à Patricia Curd), avec pour objectif de «lever le voile de mystère qui obscurcit toujours l’essence de l’oeuvre» du grand Éléate. Ensuite, c’est une tentative de rétablir dans ses droits l’élément religieux incontestablement présent dans cette oeuvre et d’en déterminer la place et le rôle. Troisièmement, c’est toute une série de suggestions prégnantes, méritant examen, d’une part sur l’importance de certaines sources historiques relatives à Parménide (P) et, d’autre part, sur la meilleure façon de dire, lire et interpréter maint passage concret de son poème. Enfin, aussi difficile qu’il soit d’émettre pareille supposition, ce pourrait être une bombe à retardement qui, si elle explose jamais, révolutionnera l’histoire de la philosophie occidentale et relancera les vieux débats sur les rapports entre religion, philosophie et science.

    Plan suivi

    Les remarques ci-dessous iront du coq à l’âne et paraîtront décousues.

    Elles concernent chacune un sujet particulier restreint, mais crucial pour juger de la démarche de LGM. Je les ai regroupées en trois petits chapitres.

    J’examinerai d’abord la situation exceptionnelle que semble créer la conception générale de LGM relativement à celle qui s’est instaurée – avec nombre de divergences, certes, dans notre discipline et l’impact beaucoup plus large qu’elle pourrait avoir (I). Je continuerai par un examen de l’argumentaire de LGM et en particulier de la stratégie macrorhétorique qu’elle met en place en faveur de l’interprétation mystique (II).

    Et je terminerai par un examen détaillé de la façon dont elle analyse le langage et la poétique de P et dont elle interprète les structures supralinguistiques qu’elle y découvre (III)." (pp. 139-140)

    (2) Cet article, dédié conférences présentées par Laura Gemelli Marciano à Ascea (Velia) en novembre-décembre 2007 sous le titre générique Parmenide: Suoni, immagini, esperienza , auxquelles j’avais pu assister et dont le préprint m’avait été communiqué, était destiné à l’origine au recueil Eleatica 2 (Academia, Sankt Augustin, 2012).

    Des circonstances imprévues m’ont empêché de l’y inclure. Mais sachant l’intérêt que Giovanni Casertano porte à Parménide, Lidia Palumbo a proposé que je le lui offre ici à l’occasion de son anniversaire. Je le fais avec d’autant plus de plaisir que Gianni est un ami et que j’admire beaucoup sa vision du grand Éléate. Quant au texte intégral des conférences de LGM, le lecteur le trouvera dans le recueil sus-indiqué. Les chiffres entre crochets renvoient aux pages du preprint.

  8. ———. 2019. "Ersatz de vérité et de réalité? ou Comment Parménide (B 1, 28-32) a sauvé les apparences (avec la collaboration épistolaire de Scott Austin †2014)(1)." In ὁδοὶ νοῆσαι. Ways to Think. Essays in Honour of Néstor-Luis Cordero , edited by Pulpito, Massimo and Spangenberg, Pilar, 61-86. Bologna: Diogene Multimedia.

    ;(1) Je remercie sincèrement A.P.D. Mourelatos, N.-L. Cordero, R. Brague, R. Di Giuseppe, S. M. Kraus et un collègue ayant préféré garder l’anonymat, pour leurs remarques et critiques d'une première version de cet article. Elles m’ont permis d’en améliorer considérablement le texte et la documentation. Il va de soi qu’ils ne sont en rien responsables des opinions différentes des leurs que je défends, ni a fortiori de mes erreurs (2009). En 2010 il a fait l’objet d’un échange d’opinions par courriels avec Scott Austin qui a eu pour résultat l’addition d’une troisième partie intitulée Philosophie. En 2015 et 2016 ces deux versions furent affichées sur le site academia.edu (2015 et 2016) M e ont donné lieu à une discussion suivie par de nombreux collègues, dont Massimo Pulpito qui suggéré j’ajoute ma correspondance féconde avec Scott Austin, lequel, hélas, nous a quittés en 2014. Je le fais d’autant plus volontiers que je lui dois l’écriture de la Ille partie. Le lecteur trouvera donc ci dessous, en tant qu’un des derniers reflets de ses opinions sur ce sujet qu’il avait tellement à coeur, un Appendice contenant l’essentiel de ses réactions. J’assume entièrement le contenu de la partie philologique (I), j’ai quelques doutes sur l’intérêt de la partie historique (II) et je prie le lecteur de ne voir dans la partie philosophique (III) qu’un simple ballon d’essai (2010), ballon d’essai que je replace maintenant dans le contexte originel de mon échange de vues avec S. Austin.

    Résumé : "Nouvelle interprétation de Parménide fr. B 1,28-32 sans amendements modernes. Traduction: “Il faut que tout tu connaisses, et le cœur, qui point ne bat, de Vérité persuasive, et les opinions des mortels en lesquelles il n’y a pas de confiance vraie. Mais tu apprendras quand même ceci : qu’il fallait qu’on admette que les choses apparentes sont toujours tout à fait semblables à des choses existantes.” Le commentaire comporte une partie philologique, une partie historico-méthodologique et une partie philosophique sur la dissymétrie du logique et du réel."

  9. Muller, Robert. 1987. "Euclide de Mégare et Parménide." In Études sur Parménide. Tome II. Problèmes d'interprétation , edited by Aubenque, Pierre, 274-276. Paris: Vrin.

    ;"Pour être bref (...) l'élement le plus propre à justifier le rapprochement avec les Éleates nous paraît être le refus mégarique de ce non-être relatif qu'est l'alterité (cfr. [Die Megariker ] fr. 27 [ed. Döring], et par suite de la relation en général."(p. 274)

  10. Narecki, Krzysztof 2004. "La fonction du logos dans la pensée de Parménide d’Élée." In Logos et langage chez Plotin et avant Plotin , edited by Fattal, Michel, 37-60. Paris: L'Harmattan.

  11. O'Brien, Denis. 1980. "Temps et intemporalité chez Parménide." Les Études Philosophiques no. 35:257-272.

    ;"Conclusion : t,emps et intemporalité

    Cette analyse du raisonnement de la déesse ouvre une nouvelle perspective sur les notions de temps et d'intemporalité chez Parménide.

    L'objet du discours s'avère éternel, si nous entendons par là qu'il est sans commencement ni fin temporels. En revanche, deux conceptions de l'intemporalité sont ici à exclure: celle d'énoncés logiques et mathématiques, dont Aristote reprendra l'analyse dans son traité de la Physique ; et celle de l'éternité non durative propre à l'existence divine, conception qu'on trouvera plus tard dans la philosophie de l' Antiquité, notamment chez Plutarque(31).

    Certes, ces deux conceptions de l'intemporalité ont été attribuées à Parménide, celle-ci par les commentateurs néoplatoniciens de la fin de l'Antiquité classique, celle-là par M. Owen. Strange bed-fellows, dira-t-on(32); mais soulignons que dans les deux cas on a été amené à fausser le sens littéral de ces deux vers (vv. 5-6), soit en supprimant les adverbes temporels « jadis » et« maintenant» (c'est le procédé d' Ammonius et d' Asclépius), soit en prenant ces deux adverbes pour des inexactitudes linguistiques dont l'auteur lui-même aurait été parfaitement conscient et que le lecteur aurait tort de prendre au pied de la lettre (c'est la solution que semble supposer l'approche de M. Owen).

    La seule issue possible, me semble-t-il, est de rattacher la formuel « intemporelle » à son contexte d'origine : cela permet de voir en elle une affirmation de la thèse qui la précède (v. 3) et une première ébauche de l'argumentation qui la suit (vv. 6 sqq.).

    Une fois replongée dans les tours et les détours de ce contexte, cette formule manifeste sa fonction, qui est d'annoncer, sous une forme liminaire et incomplète, non pas une existence non durative et intemporelle, mais bien plutôt la nécessité d'une existence qui serait « éternelle », en ce sens seulement qu'elle est inengendrée et impérissable." (p. 270)

    (31) Sur Plutarque, et sur la conception d'une éternité non durative, voir J. Whittaker, Ammonius on the Delphic E, Classical Quarterly, n.s., 1969, 185-192. Je reprendrai l'étude de l' «intemporalité» chez Aristote dans une publication ultérieure, où j'examinerai aussi la référence que M. Owen fait à Leibniz et à son principe de l'identité des indiscernables, pour fonder sa critique de Parménide.

    32. Je reprends l'expression de Shakespeare, Tempest , II, 2.

  12. ———. 1987. "L'être et l'éternité." In Études sur Parménide. Tome II. Problèmes d'interprétation , edited by Aubenque, Pierre, 135-164. Paris: Vrin.

    ;"Sommaire: I. Le problème de l'intemporalité; II. «Il n'est pas» III. «Il ne sera pas»; IV. «Il n'était pas»; V. L'inengendré; VI. L'impérissable; VII. La preuve de l'immortalité; VIII Les deux emplois du «maintenant»; IX. L'éternel (1)

    LE PROBLÈME DE L'INTEMPORALITÉ

    Le sens d'« éternité»

    Au fr. VIII, l-2, la déesse déclare: «Il ne reste plus qu'une seule parole, celle de la voie énonçant: 'est'». Elle désigne ainsi la Voie de l'existence, annoncée au fr. II, 3. Cette Voie est «chemin de persuasion, car la persuasion accompagne la vérité» (fr. II, 4). C'est donc au fr. VIII que la déesse accomplira la promesse faite dans le prologue (fr. I, 29): le disciple s'instruira du «coeur de la vérité persuasive ...» (2).

    Quelle est cette «vérité», exposée dans la Voie de l'existence?

    En ouvrant cette Voie, la déesse affirme que l'objet de son discours est «inengendré» et «impérissable» (fr. VIII, 3). Elle précise, deux vers plus loin (v. 5): «II n'était pas à un moment, ni ne sera à un moment, puisqu'il est maintenant». Pour la majorité des exégètes, Parménide aurait évoqué dans ce dernier vers, pour la première fois dans l'histoire de l'Occident, le concept d'éternité. Mais de quelle «éternité» s'agit-il? En quel sens prend-on ici ce terme? Le plus souvent, les formules adoptées par les commentateurs laissent perplexe." (pp. 135-136)

    (1) Le chapitre que l'on va lire repose sur les conclusions dégagées dans le premier tome de cet ouvrage (Éludes I, Essai critique: Introduclion à la lecture de Parménide ) ainsi que sur mes recherches antérieures, que je reprends ici, en les approfondissant et en les corrigeant. Quelques précisions de terminologie s'imposent, ici comme dans mon Essai critique (cf. p. 140 n. 3): je parlerai indifféremment de «genèse» et de «naissance», de «disparition» et de «mort»; en employant ces termes «naissance» et «mort», je n'ai point voulu imposer au lecteur une représentation de l'«être» de Parménide comme d'un être animé/vivant. Dans ce que j'appelle la «preuve de l'immortalité» (voir surtout pp. 157-158 infra), la déesse vise à montrer non seulement que l'être est immortel (absence de «mort» ou de «destruction»; sur la possibiflté d'une distinction implicite entre ces deux termes, voir p.155 infra), mais encore qu'il est inengendré (absence de «genèse» ou de «naissance»).

    (2) Sur l'articulation du poème, voir mon Essai critique, chap. XI (Études 1 , pp. 239 sqq.)

  13. ———. 1987. "Problèmes d'établissement du texte: la transmission du Poème dans l'Antiquité." In Études sur Parménide. Tome II. Problèmes d'interprétation , edited by Aubenque, Pierre, 314-350. Paris: Vrin.

    ;"Sommaire: I. L'édition des textes et l'histoire de la philosophie; II. Fr.I, 29: «vérité» et «persuasion»; III. Fr. VIII, 4: «entier en sa membrure»; IV. Immortalité et indivisibilité: la thèse de G. E. L. Owen; V. Immortalité et immobilité: la citation de Plutarque; VI. Fr. VIII, 4: «unique» et «inengendré»; VII. Fr. VIII, 4: l'histoire de la transmission du texte; VIII Fr. VIII, 5: «il est maintenant»; IX. Fr. VIII, 6: la «continuité» du temps; X. La tradition manuscrite du poème; XI. Fr. VIII, 12: une naissance à partir de l'être; XII. Les éditeurs de la fin de l'Antiquité."

    "Le texte de Parménide commenté dans un chapitre précédent de cet ouvrage (fr. VIII, l-21: la première partie du discours sur la vérité) est émaillé de variantes; je reprendrai, dans ce chapitre, celles qui touchent de près à mon analyse.

    Le texte du poème, on le sait, n'est pas attesté en tradition directe; il n'est conservé que dans les manuscrits d'une trentaine d'auteurs anciens qui en ont cité des extraits. Dans ces manuscrits, comme pour tous les textes qui nous sont venus de l'Antiquité, des erreurs de copistes se sont accumulées; à l'éditeur de rectifier ces erreurs, en tirant parti de ses connaissances codicologiques ou philologiques.

    La science du codicologue ou du philologue risque cependant de s'avérer insuffisante, lorsqu'il s'agit d'une difficulté relevant d'un domaine qui n'est pas le sien: celui de l'histoire de la philosophie. Les fragments de Parménide, tels qu'ils ont été conservés dans les manuscrits, ne présentent pas seulement en effet des variantes imputables à l'inadvertance ou à l'ignorance des copistes; on peut aussi subodorer ici et là, sous certaines variantes, les traces de manipulations tendancieuses du poème.

    À y regarder de plus près, il devient en effet évident que des copistes savants, imbus de platonisme et de néoplatonisme, ont pris à coeur de «normaliser» la pensée de Parménide, en l'intégrant, de gré ou de force, dans leur vision idéaliste de la philosophie des anciens. Pour ce faire, ils ont gommé, dans le texte du poème qui leur était transmis, les discordances, réelles ou supposées, avec les dialogues de Platon ou les Ennéades de Plotin.

    Les «corrections» ainsi infligées au texte primitif du poème, si elles ont été faites avec suffisamment d'habileté, ne violentent ni la grammaire ni la métrique. Elles risqueront par conséquent de passer inaperçues tant que l'éditeur moderne n'aura pas pris conscience des considérations proprement philosophiques qui peuvent avoir influé sur la transmission des fragments." (pp. 314-315)

  14. ———. 1991. "Le non-être dans la philosophie grecque: Parménide, Platon, Plotin." In Études sur le Sophiste de Platon , edited by Aubenque, Pierre, 317-364. Napoli: Bibliopolis.

    ;Sur Parménide, voir pp. 320-328.

  15. ———. 2012. "Le Parménide historique et le Parménide de Platon." In Lectures de Platon , edited by Castel-Bouchouchi, Anissa, Dixsaut, Monique and Kévorkian, Gilles, 89-106. Paris: Ellipses.

    ;"« L'un » qui fait l'objet de l'examen dans la seconde partie du dialogue n'est plus en effet « l'être » qui est « un » dans le poème de Parménide. Dès les premières lignes du premier raisonnement, Parménide nous apprend que «l'un" dont il est ici question est« illimité" (137d8) et« sans forme" (d9). Ce n'est donc plus « l'être » de Parménide, qui est, au contraire, « fini» (fr. 8.42) et «semblable à la masse d'une sphère à la belle circularité" (v. 43). Dans «l'un» soumis à l'examen dans le dialogue de Platon on ne peut donc plus reconnaître « l'être » qui est « un » dans le poème de Parménide.

    Mais une différence plus radicale encore sépare « l'un » qui fait l'objet des arguments successifs élaborés dans la seconde partie du dialogue de Platon, d'une part, et « l'être » qui est « un », dans le poème de Parménide, d'autre part, « L'être» qui est « un » dans le poème de Parménide constitue l'ensemble de ce qui est. Admettons donc qu'il est, en ce sens, l'univers. Admettons donc que le jeune Socrate, quand il prête à Parménide la thèse suivant laquelle « le est un » (128a 8-b1), n'a pas faussé sa pensée.

    Or, « l'un» qui fait l'objet des raisonnements dans la seconde partie du dialogue de Platon n'est plus l'univers. Il n'est donc plus to pan . Parménide·-Ie Parménide de Platon --.- propose en effet d'examiner les conséquences que doit entraîner chacune des deux hypothèses (que l'un soit « un » ou que l'un soit (« non un »), non seulement pour l'un, mais aussi pour« les autres), (136a4-c5).

    Si « l'un ), était l'univers, il n'y aurait pas d'« autres ».

    Mais l'on ne doit pas s'étonner que la thèse du Parménide ne soit plus la thèse de Parménide. Ici, comme dans les critiques adressées à Parménide dans le Sophiste, Platon ne s'occupe plus de l'« univers » qui est « un » ; il s'attache à savoir ce que c'est que d'être un. Cet « un » n'est plus par conséquent ni monde ni l'univers. Ce n'est certainement pas « le monde » : le monde, soit pour Parménide que pour Empédocle, s'oppose à l'un. Mais ce n'est pas plus {« l'univers» : s'il s'agissait de l'univers, donc de la totalité de ce qui est, n'aurait même pas le droit de s'interroger sur « les autres », car ces « autres », fait même qu'ils ne faisaient pas partie de l'univers, n'existeraient pas. « L'un » de la seconde partie du Parménide , - c'est l'un, en tant que tel." (pp. 105-106)

  16. ———. 2012. "[Chapitre] V. Parménide." In Lire les présocratiques , edited by Brisson, Luc, Macé, Arnaud and Therme, Anne-Laure, 129-148. Paris: Press universitaires de France.

    ;"Parménide avait autour de soixante-cinq ans quand il rencontra Socrate, alors tout jeune ; tels sont les propos de Platon, au début de son dialogue le Parménide. Cette rencontre est sans doute fictive, mais Platon, metteur en scène scrupuleux, a certainement cherché à l’intégrer dans un contexte historique plausible. Socrate, mort en 399 à l’âge de soixante-dix ans, est un jeune adolescent avant le tournant du Ve siècle av. J.-C. (455-450) ; la naissance de Parménide remonterait donc, si l’on en croit Platon, aux premières décennies du siècle précédent (520-515).

    Le poème dont il est l’auteur n’a pas été conservé. Il n’en reste pas moins de longs extraits, dont un prologue (32 vers), cité dans son entier par Sextus (IIe siècle ap. J.-C.), et « un discours sur la vérité » (49 vers), recopié en partie par Sextus et en partie par Simplicius (VIe siècle ap. J.-C.). Dans le prologue, Parménide parle de lui-même comme d’un κοῦρος, un « jeune homme » (fr. 1, 24) ; le poème est donc présenté comme une oeuvre de jeunesse. La doctrine du poème, et notamment le préambule au « discours sur la vérité », fera l’objet d’une critique détaillée dans le dialogue de Platon, le Sophiste . Ce sont les données essentielles dont nous disposons pour reconstituer la philosophie de Parménide." (p. 129)

  17. Parenteau, Danic. 2004. "Du recours heideggerien à la thèse ontologique de Parménide : sur la différence ontologique comme le fait originaire." Horizons philosophiques no. 14:27-36.

    ;"Le présent article se veut une analyse de la place et du rôle de la différence ontologique au sein de l'ensemble de la pensée de Heidegger, tant sa première pensée que sa pensée qui procède du Tournant. Notre travail vise une compréhension de la manière dont Heidegger conçoit la différence ontologique et de l'importance qu'il lui accorde. Il s'agira pour nous de montrer pourquoi Heidegger considère que la différence ontologique peut se passer d'une quelconque interrogation quant à son existence, pouvant ainsi être présentée comme relevant de l'évidence. Notre analyse portera premièrement sur la place de la différence ontologique au sein des deux pensées de Heidegger. Deuxièmement, nous analyserons la manière dont Heidegger cherche à faire valoir la différence ontologique comme le fait originaire, c'est-à-dire ce à quoi rien ne saurait échapper et ce sur quoi tout repose. Pour Heidegger, au «fondement» de tout ce qui «est» se trouve la différence ontologique. Troisièmement, nous formulerons une critique de cette idée de la différence ontologique comme le fait originaire." (p. 28)

    (...)

    "En raison de l'importance qui revient à Parménide eu égard à la question de l'être, ce penseur occupe une place prépondérante et incomparable dans la pensée de Heidegger. Celui-ci estime que Parménide serait le premier penseur de l'être, le premier à poser la question de l'être et à prendre conscience de ce que Heidegger nomme «le mystère originel pour toute pensée(13)». On le sait, pour Heidegger, la suite de l'histoire de la pensée occidentale — pensée qui est devenue avec Platon et Aristote «métaphysique» — ne sera qu'un long déclin, celui de l'oubli de plus en plus grandissant de l'être(14)." (p. 32)

    (13) Lettre sur l'humanisme , p. 87. Heidegger écrit bien «das anfângliches Geheimnis».

    14. Cf. entre autres, Introduction à la métaphysique , p. 203 et Lettre sur l'humanisme , p. 35.

  18. Pasqua, Hervé. 1992. "L'unité de l'Être parménidien." Revue Philosophique de Louvain no. 90:143-155.

    ;"Being exists in an absolute sense, and because it exists it cannot cease to be. In other words non-being is impossible. This is the central thesis of Parmenides' poem. The Author aims to show that this thesis can only be justified in Parmenides' view if Being is considered to be identical with the One. If this is the case, it has an important effect on the interpretation of the Poem, namely that the affirmation of Being does not depend on the denial of Non-being, as many exegetes hold. In this article two recent interpretations are discussed, namely those of N. L. Cordero and L. Couloubaritsis. The Author aims to inquire to what extent the true thought of Parmenides does not consist in making the affirmation of Being depend on that of Non-Being, but rather the contrary, by basing his argumentation on the reciprocity of Being and the One."

  19. Pòrtulas, Jaume. 2019. "Parménide et les traditions de la palinodie poétique." In La poésie archaïque comme discours de savoir , edited by Desclos, Marie-Laurence, 219-244. Paris: Garnier.

    ;Résumé : "Le poème de Parménide est l’héritier d’une longue tradition poétique, dont il reprend de nombreux procédés. Son invocation à une autorité transcendante est lourde de conséquences : l’adoption du rôle de messager ; l’accent mis sur la thématique de Peithô ; la dénonciation de la foule ; l’appel aussi à une certaine « pierre de touche », etc. On verra que les conventions de la palinodie pourraient nous aider à mieux comprendre l’articulation délicate entre l’Alétheia et les doxai des mortels."

  20. Primavesi, Oliver. 2013. "Le chemin vers la révélation : lumière et nuit dans le proème de Parménide." Philosophia Antiqua no. 13:37-81.

    ;Traduction par Mathilde Brémond de Der Weg zur Offenbarung: Über Licht und Nacht im Proömium des Parmenides (2011).

    Résumé : "Cet article propose une interprétation de la relation entre l’aletheia et la doxa dans le poème de Parménide sur la base d’une analyse du voyage relaté dans le proème. À partir d’un examen précis du texte parménidien, il établit que l’hypothèse selon laquelle la citadelle de la nuit est la destination finale du voyage rend bien mieux compte de celui-ci que l’hypothèse longtemps admise selon laquelle il s’agirait de la lumière. Cette lecture du proème permet non seulement d’établir un certain nombre de parallèles avec d’autres œuvres poétiques qui décrivent le trajet du Soleil, mais surtout de mettre au jour une analogie entre le récit de voyage et la partition en deux du poème parménidien : notre monde, où alternent le jour et la nuit, représente le monde de la doxa, où être et non-être sont mêlés et qui est gouverné par deux principes correspondants, le feu et la nuit, tandis que l’unicité de la déesse de la Nuit dans l’au-delà renvoie à celle de l’être. De plus, en distinguant deux étapes dans le voyage du narrateur, celle où il atteint de lui-même le chemin de la nuit et du jour et celle où les filles d’Hélios le guident sur ce chemin, on peut expliquer l’existence même d’un discours sur les opinions des mortels : de même que le narrateur a besoin d’abord d’aller de notre monde quotidien jusqu’au chemin de la nuit et du jour pour avoir ensuite accès à la connaissance divine, de même il faut expliquer le monde de l’opinion en le faisant remonter à deux principes fondamentaux pour montrer aux mortels le chemin vers l’aletheia. L’article conclut en expliquant, à partir des fragments B14 et B15, pourquoi Parménide a recours à la déesse de la Nuit pour faire cette révélation : ce choix repose sur une critique de la lumière du soleil comme condition de la vision trompeuse."

  21. Ramnoux, Clémence. 1979. Parménide et ses successeurs immédiats . Monaco: Éditions du Rocher.

  22. Ranzato, Sofia. 2019. "Choisir sa propre route chez Parménide, dans la poésie didactique et dans les traditions religieuses à l’époque archaïque." In La poésie archaïque comme discours de savoir , edited by Desclos, Marie-Laurence, 201-217. Paris: Garnier.

    ;Résumé: "Point de départ de cette étude, l’image du carrefour dans l’œuvre d’Homère, d’Hésiode et de Théognis, ainsi que sa re-fonctionnalisation dans les lamelles d’or orphiques. Choisir un chemin déviant par rapport à celui que parcourent les masses apparaît comme une modalité nécessaire en vue d’obtenir une condition post mortem privilégiée. Ainsi s’éclaire l’insistance de Parménide sur le choix de la seule voie qui conduise à la vérité, semblant se charger d’une valeur également existentielle."

  23. Regvald, Richard. 1986. "Parménide : le trajet de la non-coïncidence." Revue Philosophique de la France et de l'Étranger no. 176:13-29.

    ;"En déclarant notre attachement à la conception heideggerienne de la parole, nous nous efforcerons, après quelques préliminaires, de mettre en évidence le croisement de l'atemporalité et de la temporalité dans le poème de Parménide et l'importance de ce croisement pour la constitution de la science. La transparence parménidienne, opposée traditionnellement à l'obscurité héraclitienne, conserve une épaisseur bien propre : elle peut être envisagée comme ce qui fait transparaître et implique, pour cela même, un résidu foncièrement irréductible. Cette perspectivè prend également en compte les rapports aporétiques et fragiles (à proprement parler, le saut) reliant les deux parties du poème. Pour que l'unité puisse devancer la diversité, sans en faire purement et simplement abstraction - car la seconde partie du poème a bel et bien été écrite-, il y a lieu de supposer qu'un frémissement parcourt cette unité-là, si initial ou si évanescent soit-il." (p. 14)

  24. Riu, Xavier. 2019. "Vérités et performance publique. Quelques réflexions sur ἀλήϑεια " In La poésie archaïque comme discours de savoir , edited by Desclos, Marie-Laurence, 245-258. Paris: Garnier.

    ;Résumé : "Qu’en est-il du concept de vérité en Grèce archaïque et partiellement classique ? Plusieurs conceptions de la vérité coexistaient, plusieurs mots pour la dire également, que nous ne différencions mal et que souvent nous tendons à confondre. Il faut par ailleurs resituer le concept d’ἀλήθεια dans le contexte de l’énonciation publique. Enfin, ces types de vérité multiples nous permettent de penser autrement la manière dont Parménide présente les différentes façons d’être et d’être vrai."

  25. Rocca-Serra, Guillaume. 1985. "Parmenide et les médecins d'Elèe." Histoire des sciences médicales no. 19:169-174.

    ;Résumé : "Nous désirons examiner à nouveau quatre inscriptions grecques découvertes à Velia, qui portent le nom de trois médecins et celui de Parménide. Nous nous interrogeons sur la possibilité d'un rapport entre ces médecins et le philosophe et nous attirons l'attention sur quelques fragments et témoignages qui nous permettent de voir dans Parménide un auteur lu par les médecins et utilisé comme autorité par une association médicale."

  26. ———. 1987. "Parménide chez Diogène Laërce." In Études sur Parménide. Tome II. Problèmes d'interprétation , edited by Aubenque, Pierre, 254-273. Paris: Vrin.

    ;"Nous avons choisi d'organiser notre recherche autour de la notice consacrée à Parménide par Diogène Laèrce. Une autre méthode eût consisté dans une présentation qui aurait suivi un ordre chronologique, mais une telle procédure supposait résolu un problème qui tourmente, au moins depuis Nietzsche, philologues et philosophes, celui des sources de Diogène Laèrce. Au contraire, partir de cet auteur et revenir en arrière nous évitait de prendre des positions trop tranchées à la fois sur ses informateurs immédiats et sur les sources de ces informateurs eux-mêmes.

    L'oeuvre de Diogène constitue, on le sait, une sorte de synthèse, maladroite et parfois mal intentionnée, de ce que l'érudition hellénistique avait rassemblé sur le thème des «Vies et doctrines des philosophes célèbres». Sa méthode de travail, son esprit superficiel lui ont attiré des critiques méritées, mais il nous a conservé une masse d'informations qui font de son livre un ouvrage indispensable. Ajoutons qu'une partie des absurdités qu'on lui attribue pourrait parfaitement provenir de la maladresse des scribes médiévaux." (p. 254)

    "Cet examen, bien que partiel, de la tradition biographique et doxographique nous aura persuadés, semble-t-il, d'abord, que les restes de cette tradition ne représentent qu'une infime partie d'une littérature jadis très importante. C'est ainsi que la modeste notice de Diogène nous fait entrevoir les travaux de l'école d'Aristote, de l'érudition alexandrine, de la doxographie sceptique.

    Ensuite et surtout, on peut mettre en évidence la valeur de certaines des indications qu'elle nous transmet. Elle nous fournit le canevas vraisemblable de la biographie de Parménide, d'abord héritier d'une grande famille et voué probablement à une activité politique et législatrice, puis se tournant vers la philosophie, sans toutefois que la fine pointe de sa pensée soit mise en évidence, et c'est là une des lacunes de la tradition. Pourtant, bien avant K. Reinhardt 1°2, Sotion puis Diogène ont dissocié Xénophane et Parménide, pressentant ainsi l'originalité de ce dernier. La tradition, enfin, a retenu plus volontiers le monde de l'apparence que le poème. C'est surtout grâce à elle que nous reconstruisons la doxa parménidéenne, sur laquelle les parties conservées du Poème nous renseignent guère. Elle a donc sa place dans l'approche d'un Parménide dans sa totalité." (p. 273 notes omises)

  27. Rossetti, Livio. 2010. "La structure du poème de Parménide." Philosophie Antique no. 10:187-226.

    ;Résumé : !La structure qui sous-tend la composition du poème de Parménide est très élaborée, il est aisé de s’en rendre compte. La déesse y parle des enseignements qu’elle s’apprête à délivrer et, dans les fragments 10 et 11, elle offre un panorama détaillé de tout un ensemble de questions qu’elle va traiter aussitôt après. Un certain nombre d’éléments métatextuels se trouvent de cette façon insérés dans le texte écrit au premier degré et en interrompent le cours. D’autres passages de texte à métatexte (et vice versa) se rencontrent d’ailleurs dans les fragments, mettant ainsi en évidence de frappantes discontinuités et des changements significatifs dans le type de saturation provoqué dans l’auditoire. Tout cela fait comprendre que les enseignements délivrés dans le poème sont immergés dans une infrastructure beaucoup plus « construite » et « étudiée », beaucoup plus consciente que celle qui apparaît dans tant d’autres textes de la même époque ou antérieurs. D’où l’importance d’une recherche spécifiquement consacrée à la composition du poème dans son ensemble.

    La formule rassurante de B10.1, « tu apprendras » (eisē) , prend dans cette recherche une importance particulière, parce qu’elle démontre que Parménide lui-même a donné une valeur explicitement positive à ce qui, jusque peu auparavant, faisait l’objet de jugements fortement négatifs. Cette incohérence n’est donc pas une conjecture de notre part, mais quelque chose dont Parménide ne peut pas ne pas s’être rendu compte, ce qui signifie vraisemblablement que la seconde partie du poème expose des connaissances auxquelles il était parvenu dans une « phase précritique » de sa recherche. Sinon, à quelle autre explication pourrait-on penser ?"

  28. ———. 2021. "Les déesses de Parménide." In Penser les dieux avec les présocratiques , edited by Saetta Cottone, Rossella, 129-142. Paris: Éditions Rue d'Ulm.

    ;"Dans son poème, Parménide ne parle que de déesses, et non pas de dieux au masculin.

    Plus encore, au début du poème, Parménide choisit de commencer le premier vers par les mots hippoi tai , des juments, détail confirmé au vers 25 avec la reprise du même mot, cette fois sous la forme hippois th’ hai. Pourquoi une telle insistance sur le féminin ? Le poète qui relate son voyage évoque des juments tout en suggérant que celles-ci ont rempli une mission importante, confiée par une déesse, en vue d’une rencontre que cette déesse semble avoir voulue (et soigneusement préparée)." (p. 129)

    (...)

    "Un tel ensemble a un sens et remplit une fonction. Ce que nous découvrons de la suite du poème ne fera que renforcer l’impression que le poète veut mettre en lumière l’univers féminin ; il saisit plusieurs opportunités pour le faire, même lorsqu’il n’est pas question de voyage. Mais dans quel but ?

    Chose curieuse, à aucun moment le poème n’indique ouvertement que le féminin mérite une considération particulière. On doit donc en déduire que ce message est pensé comme implicite ou indirect, tout en étant un message que Parménide souhaite faire passer. Avant d’essayer de le déchiffrer, faisons déjà état des donnéesfournies par le texte." (p. 130)

  29. Ruben, Tanja. 2007. "L'être, la pensée et les liens du discours : structures et argumentation du fr. 8, 1-49 D-K de Parménide." Métis :163-184.

    ;Résumé : "Une analyse attentive aux liens formels et aux marques de l’énonciation du fragment 8 (1-41) D-K de Parménide montre qu’il présente une structure annulaire. Les parties corrélatives de chacun des trois anneaux se complètent et font progresser l’argumentation. Le discours de la déesse, par lequel elle cherche à convaincre le jeune homme d’emprunter le chemin de l’être, doit son efficacité et sa force persuasive à cette composition en anneaux et au récit paradigmatique qui en forme le centre. Celui-ci donne en exemple au jeune homme la divine Justice qui s’est prononcé jadis en faveur du chemin de l’être."

  30. Salignon, Bernard. 1999. Parménide: énigme de la présence, dévoilement de la pensée . Nîmes: Théétète.

  31. Santoro, Fernando. 2008. "Entre néréides et sirènes : Parménide et les catalogues d'Homère." Revue de Philosophie Ancienne no. 26:25-38.

    ;"La discussion à propos du sens des catégories philosophiques est, depuis Aristote, un lieu récurrent de la problématisation de la connaissance, voire aussi de la constitution du langage et de la nature humaine elle-même.

    (...)

    Ce qui nous intéresse à présent est la façon dont les catégories philosophiques ou scientifiques, les catégories de connaissance, les catégories qui ont rapport à un discours à prétention de vérité, sont produites dans le langage et dans les langues occidentales. Une hypothèse de départ, à utiliser comme axiome de recherche, est que le discours philosophique et scientifique que nous utilisons puise ses formes sémantiques, syntatiques et herméneutiques dans des usages langagiers, dans certaines pragmatiques qui ont des rapports expressifs avec la vérité – et qui se rencontrent parmi plusieurs genres littéraires dans les conditions les plus diverses : festives, religieuses, politiques, judiciaires etc. Ils y puisent certaines formes tout en les transformant en modèles du discours scientifique et philosophique. Une recherche parmi ces moments métaboliques du sens pourrait trouver des ponts dans cette zone de frontière entre les discours poétiques en général et le discours philosophique traditionnel.

    Dans ce programme, une étape décisive est sans doute la formulation aristotélicienne de la doctrine des catégories et ses interprétations par les commentateurs néoplatoniciens. Pourtant, il ne seront pas visés en cet article dans une herméneutique directe, mais comme le point de départ inverse d’une généalogie et même d’une archéologie des manières de dire la vérité. Cherchons à dégager dans la formulation aristotélicienne les emprunts langagiers qui peuvent constituer des traces pour une généalogie de ces catégories. On y peut repérer deux lignées principales : l’une qui remonte aux catalogues épiques, l’autre aux disputes judiciaires rhétoriques sur la vérité des accusations. Ces deux lignées ont pourtant un moment de rencontre exceptionnel dans la préhistoire des catégories aristotéliciennes, dans le Poème de Parménide. C’est précisément le sujet de cet article :Parménide et les catalogues d’Homère." (pp. 25-26)

  32. Sassi, Maria Michela. 2013. "La logique de l'eoikos et ses transformations : Xénophane, Parménide, Platon." Philosophie antique :13-35.

    ;Résumé : "L'adjectif eoikos apparaît dans trois passages cruciaux de la pensée grecque (Xénophane, fr. B35; Parménide, fr. B8, 60; Platon, Timée, 29b3-c3), caractérisant une certaine « ressemblance » à la vérité qui se veut constitutive du discours du savant. En fait, le long de cet examen on découvre que les trois usages du terme ne peuvent pas être disposés le long d'une ligne continue, vu la difficulté de comprendre à quelle notion de vérité, sous quel point de vue, et avec quel degré d'évidence, ce discours se veut « ressemblant » selon l'occasion. Dans le cas de Parménide, cet aspect passe même au second plan, puisqu'on assiste à la prédominance d'une autre connotation qui accompagne le terme eoikos à partir de l'usage homérique, à savoir celle de la «convenance» à un contexte communicatif. L'article cherche dans l'ensemble à éclairer les déplacements que subie la logique de la similitude (et des procédés analogiques qui s'y greffent) en passant par des cadres ontologiques et épistémologiques aussi différents que le sont ceux de Xénophane, Parménide et Platon."

  33. Sauvage, Micheline. 1973. Parménide ou La sagesse impossible . Paris: Seghers.

    ;Présentation, choix de textes, chronologie, bibliographie.

  34. Schürmann, Reiner. 1988. "Le différend hénologique. La loi de l'Un, et la loi des contraires." La Parola del passato no. 43:397-419.

  35. Schüssler, Ingeborg. 1996. "La question de la nature au début de la pensée occidentale. Destruction ou conservation? À propos du Poème de Parménide." Cahiers de la Revue de théologie et de philosophie no. 18:392-396.

  36. Semenzato, Camille. 2017. A l’écoute des Muses en Grèce archaïque. La question de l’inspiration dans la poésie grecque à l’aube de notre civilisation . Berlin: de Gruyter.

    ;7e mouvement : Parménide et Empédocle, deux poètes-penseurs; poètes-penseurs; 7.1 Parménide : proème musical 291-308.

    "Depuis la fin du 19e siècle au moins, Parménide et Empédocle sont classés parmi les présocratiques – appellation qui en fait des précurseurs de Socrate-Platon, des philosophes, distincts des chanteurs et poètes. Aujourd’hui, la tendance est de repenser ces catégories, impropres à la réalité archaïque. On considère désormais les deux auteurs comme des poètes de genre particulier.(1) Des poètes-musiciens, parce qu’ils écrivent en vers, font mention respectivement de déesses aux traits musicaux ainsi que de Muses et déploient un champ lexical sémantiquement proche des autres auteurs de notre corpus. Des poètes-penseurs, parce que leurs oeuvres sont inscrites dans une ambiance pré-philosophique : voie vers la pensée métaphysique et la connaissance abstraite des phénomènes. Même sans entrer dans les détails d’interprétation philosophique, l’observation des apparitions parménidienne et empédocléenne des divinités féminines et du vocabulaire musical s’avère des plus instructives ; elle montre l’importance et influence de la musique sur toute composition." (P. 291, une note omise)

    (...)

    "Si le voyage initiatique raconté par le narrateur du poème de Parménide ouvre la pensée humaine aux lumières de la philosophie, il n’en demeure pas moins une expérience menant aux sombres profondeurs de la vérité. Même si les filles, la divinité et la déesse ne sont pas des Muses, l’ensemble de l’initiation se déroule dans un contexte et une ambiance de part en part musicaux : musique qui accorde à l’homme une connaissance inédite de la vérité. Voyage initiatique, connaissance et vérité que Platon et l’ensemble de notre tradition a interprété en termes de pure lumière métaphysique, mais qui ouvre toutefois en même temps sur quantité d’expériences et de compréhensions sensibles, claires-obscures, mystérieuses du monde." (p. 308)

  37. Somville, Pierre. 1970. "Hypotyposes parménidiennes." Tijdschrift voor Filosofie no. 32:488-493.

    ;"L'articulation des Doxai et de l'Alethéia au sein d'un même système de pensée semble bien être la croix de toute interprétation parménidienne.

    Que ces deux ,,chemins de pensée" soient présentés dans le rapport d'une radicale exclusion de termes, ou, qu'au contraire, les exégètes tentent de les réunir dans une vision ontologiquement unifiante, le problème reste pendant.

    Or, il nous semble que les tentatives d'explications d'ordre tant logique qu'historique ne soient pas satisfaisantes en l'occurrence.

    Nous croyons plutôt voir dans ces deux axes parménidiens de l'Apparence et de l'Etre la première émergence lucide d'une problématique inhérente à toute situation philosophique, au-delà même des écoles et des différences de localisation dans l'espace et dans le temps. Doxai et Alethéia sont les deux éléments pour la première fois posés d'une dialectique de l'Etre et du Paraître, dont on ne peut même pas dire qu'elle aura une grande postérité, ou qu'elle ,,fera école", puisqu'elle nous semble être constituante de toute démarche philosophique en tant que telle.

    (...)

    Notre propos sera donc de voir brièvement le genre d'aménagement réciproque que Parménide réserve à ses deux grandes notions, et de tenter ensuite d'en rapprocher la pensée de trois philosophes modernes, - Descartes, Kant et Emile Meyerson -, nous risquant à établir une sorte de dialogue figuré entre Parménide et ces trois penseurs. D'où la couleur d'ébauche et de prosopopée évoquée par l'intitulé de cette contribution, qui se veut stricte, autant qu'il est possible, mais qui ne prétend nullement atteindre à la rigueur d'une démonstration." (pp. 488-489)

  38. ———. 1976. Parménide d'Elée: son temps et le nôtre. Un chapitre d'histoire des idées . Paris: Vrin.

  39. Steinrück, Martin. 2006. "La forme figurative et le vers de Parménide." Revue de Philosophie Ancienne no. 24:17-24.

    ;"Où faut-il localiser le poète Parménide ? Dans la tradition homé rique ou dans la tradition orphique ? Dans la poétique coloniale ou dans la poétique grecque? Du côté panhellénique ou du côté épicho rique? Est-il archaïsant ou moderne? Nous tenterons de donner ses coordonnées en croisant trois critères, celui de la forme figurative, de l'arrangement des répétitions thématiques, celui du type d'hexamètre (du véhicule) qu'il utilise pour créer ces figures et finalement le critè re de l'enchaînement accentuel." (p. 17, une note omise)

  40. Stella, Fabio. 2020. "Parménide, fragment 2 DK : du lexique de l’agir au lexique de la connaissance." Dialogues d'histoire ancienne no. 46:51-73.

    ;Résumé : "Cet article se propose de montrer que le lexique utilisé par Parménide dans le fragment 2 DK est pour la plupart tiré d’un vocabulaire déjà homérique, tout à fait « pratique », dont il conserve la cohérence logico-syntactique originelle. La transformation de ce « lexique de l’agir » en « lexique de la connaissance », que Parménide met en œuvre, n’est pas réalisée par une resémantisation de chacun des mots, mais en changeant, grâce à une réflexion métalinguistique sur le texte homérique, le niveau d’abstraction de l’objet du discours, l’ἐόν."

  41. Stevens, Annick. 1990. Posterité de l'être. Simplicius interprète de Parménide . Bruxelles: Ousia.

    ;Table des matières: Introduction 5; Chapitre I: L'Alétheia 11; Chapitre II: La Doxa 53; Conclusion 80; Appendice: Traduction 83; Bibliographie 143; Index des Fragments de Parménide cités par Simplicius 147.

    "La plupart des fragments que nous connaissons de Parménide nous sont parvenus par l'intermédiaire de Simplicius, philosophe néoplatonicien du Vlème siècle de notre ère, grâce aux multiples citations et références étayant son commentaire à la Physique et au De Caelo d'Aristote. Or, ce commentateur ne s'est pas contenté de citer, mais a apporté bien des explications aux apories suscitées depuis vingt-cinq siècles par l'obscurité du poème parménidien. En effet, le contexte dans lequel apparaissent les citations permet souvent de situer plus exactement leur objet, et par là leur signification précise.

    (...)

    Par conséquent, mon travail suppose une connaissance préalable des doctrines platonicienne et néoplatonicienne, particulièrement en ce qui concerne la notion de l'Un dans son rapport avec l'être. Bien que j'aborde le problème au chapitre 1,B, cependant, j'évite de concentrer mon étude sur ces théories, au risque de perdre l'essentiel. Je ne fournirai pas davantage un travail exhaustif sur la pensée parménidienne, quoique, pour des raisons de clarté, j'étudierai et comparerai, sur les points les plus controversés, les explications de plusieurs interprètes modernes, en vue de proposer, quand cela est possible, mon propre point de vue. A ce propos, je voudrais signaler qu'il existe deux études récentes traitant spécifiquement de l'exégèse de Simplicius; il s'agit de "Simplicius as a source for and an interpreter of Parmenides" de Bruce M. Perry, et de "The Interpretation of Parmenides by the Neoplatonist Simplicius" de Karl Bormann. On peut leur faire le reproche commun d'être davantage des paraphrases que des tentatives d'explication, et de ne pas exploiter ce nouveau champ herméneutique, cette richesse nouvelle d'interprétations possibles, que nous ouvre la lecture de Simplicius pour celle de Parménide. Néanmoins, la dissertation doctorale de Perry a le mérite d'exposer le commentaire de façon très systématique, paragraphe par paragraphe, en l'accompagnant d'index, de remarques philologiques, d'une bonne critique des sources et des manuscrits, et de nombreuses références aux commentateurs antérieurs qui ont pu influencer Simplicius. Quant à l'article de Bormann, s'il relève certains passages où le néoplatonicien sort de l'aporie les interprétations traditionnelles sur quelques conceptions obscures de Parménide, il n'en donne aucun commentaire ni ne cherche à voir ce qui motive l'interprète, d'où s'inspire sa conception de l'Étant, et dans quelle mesure elle déforme celle de l'Éléate lui-même.

    (...)

    J'espère avoir montré, par ces quelques observations, qu'une étude attentive de Simplicius n'est ni superflue ni aisée.

    Mon intention étant de suivre les questions posées comme essentielles par Simplicius lui-même, je n'envisagerai que les fragments transmis grâce à lui, laissant de côté une partie importante du poème. Le fait de suivre le commentaire m'oblige également à voyager constamment d'une page à l'autre en faisant bon nombre de comparaisons, d'anticipations et de rappels, ce dont le lecteur voudra bien m'excuser, puisque Simplicius, suivant lui-même l'ordre de oeuvre d'Aristote, et passant, selon le besoin, d'un Présocratique à l'autre, présente une explication tout à fait disparate et en rien systématique. Néanmoins, j'essaierai de structurer mon étude de la manière la plus claire possible, envisageant, selon la méthode classique, chacune des deux parties du poème, divisées elles-mêmes en questions principales.

    Une traduction des passages de Simplicius concernant la pensée éléatique figure en appendice; j'invite le lecteur à la consulter fréquemment, car elle sert de support à tous mes développements.

    Enfin, ce travail étant achevé en 1988, je n'ai pas tenu compte des études qui ont paru à partir de cette date." (pp. 5-9)

  42. ———. 2011. "Parménide." In Le Néant , edited by Laurent, Jérôme [et al.], 29-40. Paris: Presses universitaires de France.

    ;"Le non-étant de Parménide est bien, comme l’a compris Platon dans le Sophiste, le contraire de l’étant, ce qui n’est d’aucune manière et donc ce qui ne peut être ni dit (au sens de « décrit ») ni pensé ni même imaginé. C’est pourquoi Platon se défend à juste titre de commettre le moindre parricide envers le père de la philosophie, lorsqu’il affirme l’existence d’un certain non-étant, déterminé par altérité visà-vis d’un certain étant(1). Sa véritable révolution par rapport à Parménide est l’introduction de la multiplicité et de la différence au sein même de ce qui est, c’est-à-dire parmi les Formes éternelles. Pour cette raison même,

    il est manifeste que le ce-qui-est de Parménide n’est pas la Forme, l’universel intelligible, car il devrait être multiple. Il ne doit pas davantage être identifié à un principe ultime de la nature, que ce soit l’un-tout ou le principe d’être des étants en devenir. Nulle part un tel souci de fonder la physique n’apparaît dans le poème ; au contraire, les deux types de discours, celui sur la nature, celui sur l’être, sont absolument séparés. Ce qui est n’est rien d’autre que ce qui satisfait le sens véritable d’être, et exposer toutes les conséquences de cette signification constitue toute l’ambition de l’enquête parménidienne.

    C’est pourquoi aussi, lorsque Gorgias entreprend de réfuter le rapport exclusif entre l’être et la pensée, au sens où il serait absurde que tout ce qu’on peut penser soit, il manque la cible en prenant l’être au sensordinaire. Il la manque aussi, du même coup, en ne faisant pas de distinction, au sein des actes mentaux, entre une représentation quelconque et la signification restreinte du « penser » et du « dire » qui correspond à la signification stricte de l’être.

    Or c’est précisément cette confusion que Parménide entendait éviter grâce au premier acte de la pensée, qui est l’affirmation du fait de l’être : tant les célèbres vers 8, 34-38 que déjà le fragment 6, 1 donnent pour tâche à la pensée d’affirmer que ce qui est est. La pensée est avant tout jugement d’existence. C’est seulement après cette exclusion du « n’est pas » et le refus corollaire de ne pas choisir entre « est » et « n’est pas », que d’autres actes de pensée seront possibles, car alors seulement tout ce qui suivra sera une pensée connaissante et non une trompeuse opinion. En effet, quel que soit ce qu’elle prendra pour objet, si cela admet le fait d’être, alors elle pourra le connaître. Le poème de Parménide est une détermination des conditions a priori de l’accès à la vérité, et le partage de l’être et du non-être en est la toute première étape, bien antérieure à la connaissance de ce qui est et de ce qui n’est pas." (pp. 34-35)

    (1) Au vers 8, 46, l’hypothèse d’un non-étant tel qu’il viendrait interrompre la continuité de l’étant, n’est probablement pas une préfiguration du non-être relatif mais plutôt une allusion à la controverse contemporaine entre une physique du continu et une physique du discontinu composé de plein et de vide. Sur cette controverse qui opposa probablement Zénon d’Élée et les Pythagoriciens, voir M. Caveing, Zénon d’Élée : prolégomènes aux doctrines du continu : étude historique et critique des fragments et témoignages , Paris, Vrin, 1982. Cependant, si l’argument est issu de la physique, la cohérence de la conception exige qu’il soit appliqué métaphoriquement à l’étant, qui n’est d’aucune façon un objet physique.

  43. Todoua, Maïa. 2007. "Sur l'improbable douceur du feu dans la cosmologie de Parménide (v. 57 du Fr. 8 DK)." Revue des Études Grecques no. 120:395-413.

    ;Résumé : "D'après la théorie physique de Parménide, deux éléments fondamentaux régissent le monde, le feu éthéré de la flamme et la nuit obscure. Dans l'énumération des adjectifs (v. 57-59 du Fr. 8 DK), qui n'est pas sans rappeler un système de paires d'opposés, chacun de deux éléments reçoit les caractéristiques opposées les unes des autres. Il se trouve que, suite à des interventions ultérieures, le vers 57 nous est parvenu sous forme d'un heptamètre au lieu d'un hexamètre attendu, donnant ainsi lieu à une irrégularité métrique qui soulève un problème davantage dogmatique que textuel. Tous les manuscrits du Commentaire à la Physique de Simplicius, notre source unique pour ce passage, établissent, pour l'élément du feu, trois épithètes : ήπιον, « doux », άραιόν, « clairsemé », et έλαφρόν, « léger ». Dès les premières éditions de Parménide, la lecture consensuelle a consisté à conserver ήπιον, « doux », en éliminant soit άραιόν, « clairsemé », soit έλαφρόν, « léger », considérés, à tour de rôle, comme une glose l'un de l'autre. Quant à ήπιον, traduit tantôt comme « calme, non intense », tantôt comme « doux, favorable », sa véritable portée dans ce contexte n'a jamais été dûment expliquée. Le présent article essaie de démontrer que la conservation de ήπιον au vers 57 va à rencontre du principe même d'un système cosmologique fondé sur une opposition fondamentale.

    Selon la théorie physique de Parménide, les éléments premiers, ainsi que leurs caractéristiques, sont établis à part les uns des autres (χωρίς απ' αλλήλων). Chaque qualificatif du feu devrait donc trouver son pendant dans la description de la nuit. Or ήπιον est le seul terme qui échappe à cette règle. Dans ma tentative de réfuter l'opinion consensuelle concernant l'authenticité de ήπιον au vers 57 du Fr. 8 DK, j'ai trouvé que le cardinal Bessarion, dans sa traduction latine de ce passage, offrait une lecture proche de cette idée non orthodoxe. Par ailleurs, Simon Karsten, auteur de la reconstitution définitive du poème de Parménide, se sentait, lui aussi, tenté par cette hypothèse."

  44. Tournaire, Roland. 2004. L’intuition existentielle : Parménide, Isaïe et le midras protochrétien . Paris: L'Harmattan.

  45. Villani, Arnaud. 1988. "La tenue ontologique dans le Poème de Parménide." Revue de Métaphysique et de Morale no. 93:291-315.

    ;Résumé : "Si le prologue du Poème de Parménide n'est pas seulement formules consacrées de l'imagerie magico- religieuse, mais exhibition de deux modèles homothétiques où il est question d'axes, d'alvéoles, et de leur tenue réciproque; si des passages cruciaux (I, v. 31 et 32 ; VIII, v. 50 à 61) et plusieurs termes majeurs du Poème sont susceptibles d'une double lecture où le sens généra- lement accepté va jusqu'à s'inverser ; si le retour des mots de la famille séman- tique d'« échein » est systématique, et relègue bien loin la préoccupation de V« hen » au profit du « synéchès » ; alors une meilleure "tenue" du Poème dans son ensemble est possible, le Prologue, les Fragments II à VII, IX à XIX n'ayant pas moins de sens philosophique que le « Fragment ontologique » (VIII L'enjeu de cette réflexion aurorale nous semblera alors la préservation d'une Règle dont le juste usage décèlerait dans le réel des « configu- rations convenables », bien ajointées, et pour cela préservées autant que possible de « naissance et destruction.»"

  46. Viola, Coloman. 1984. "Á propos d'un fragment du Poème de Parménide cité par Clément d'Alexandrie (V Stromate c. IX, 59, 6)." Bulletin de la Société Internationale pour l'Étude de la Philosophie Médiévale no. 26:90-92.

    ;"Les Fragmente der Vorsokratiker Griechisch und Deutsch édités par H. Diels (réédités en 1934 par W. Franz) omettent une référence incluse dans le V Stromate de Clément d'Alexandrie (écrivant entre 193 et 211) concernant un fragment du Poème de Parménide. Cette référence, que rapportera Simplicius quatre siècles plus tard, comporte des variantes importantes par rapport au texte transmis par Simplicius."

  47. ———. 1987. "Aux origines de la gnoséologie: réflexion sur le sens dur fr. IV du Poème de Parménide." In Études sur Parménide. Tome II. Problèmes d'interprétation , edited by Aubenque, Pierre, 69-101. Paris: Vrin.

    ;"Le fr. IV du Poème de Parménide est sans aucun doute un des fragments les plus difficiles à interpréter: certains commentateurs sont allés jusqu'à mettre en doute son intelligibilité. (...)

    La solution ne consistera pas nécessairement en une option pure et simple pour l'une des hypothèses en excluant d'une manière absolue l'autre. Les difficultés du fragment ont amené certains à proposer des corrections du texte en supposant soit que Clément d'Alexandrie s'était trompé en le transcrivant soit que le texte de Clément lui-même nous est parvenu sous une forme corrompue. Ces problèmes grammaticaux et textuels difficiles à résoudre doivent inspirer une grande prudence en ce qui concerne l'interprétation du fragment. Ces difficultés combinées aux difficultés d'une méthodologie en général - dont un Hölscher (2) a déjà fait état -- mettent à une sérieuse épreuve quiconque se promettrait de trouver la solution idéale du fragment.

    Les cadres de cet essai ne rendent pas possible l'examen même superficiel de tous les problèmes qui ont été déjà soulevés au sujet de ce fragment. Je propose avant tout d'examiner le contexte originel dans les Stromates de Clément d'Alexandrie qui nous ont conservé le fragment pour y chercher et trouver éventuellement la solution de certains problèmes inhérents au fragment. D'autre part, pour éclaircir davantage le sens des termes, nous allons faire appel à la philologie comparée ce qui nous permettra d'esquisser quelques principes d'interprétation qui, à notre avis, devraient guider toute recherche concernant le sens du fragment." (pp. 69-70 notes omises)

    (2) Cf. U. Hölscher, Anfângliches Fragen. Studien zur frühen griechischen Philosophie , Göttingen, p.90.

  48. Wersinger-Taylor, Gabrièle. 2012. "Parménide croyait-il dans les signes de l’Etre ? Remarques sur l’énonciation et la délocution au fragment 8, vers 1-11." Savoirs en prisme no. 1:1-22.

    ;"En se situant d’un point de vue analytique, Gorgias a conduit Parménide à une impasse insoluble. Mais Parménide avait peut-être lui-même mesuré l’ampleur d’une autre contradiction, celle qui, d’ordre pragmatique, couve comme une bombe à retardement et menace tout discours sur l’être. Ainsi cette contradiction de type pragmatique sera entièrement perdue de vue, lorsqu’on croira pouvoir dire les affections (pathè) de l’Être. Car pour admettre qu’il peut y avoir un discours des affections de l’Être, il faut croire comme Socrate dans le Cratyle, qu’il est possible de partir des choses elles-mêmes pour juger de la pertinence des signes que sont les mots. Il faut donc avoir définitivement forclos la perspective de l’énonciation sans évidemment en annuler les effets, plus que jamais sensibles aujourd’hui." (p. 20)

  49. Zafiropulo, Jean. 1950. L'école Eléate. Parménide, Zénon, Melissos . Paris: Les Belles Lettres.